TEMOIGNAGE
«CES DIX DERNIÈRES ANNÉES N'ONT ÉTÉ QU'UNE LONGUE ATTENTE »
Azadeh GHOTBI, sa cousine
L'artiste, qui vit à Berlin, nous livre un témoignage terriblement ému sur le Prince. Elle était aussi extrêmement proche de sa sœur disparue, Leila.
Propos recueillis
par Adélaïde de CLERMONT-TONNERRE
« J'ai connu le Prince Ali Reza depuis ma naissance.
J'ai toujours trouvé qu'il avait quelque chose qui le démarquait des autres enfants du groupe. Bien qu'extrêmement farceur, drôle et casse-cou avec un don extraordinaire pour les imitations, il avait quelque chose de plus, un côté sérieux, réfléchi, mûr et posé. Digne. Sensible mais pas prêt à le montrer. Cette dualité a marqué toute sa vie.
D'un côté, il était extrêmement sociable, sortait beaucoup, était invité partout et prenait vraiment plaisir à goûter aux belles choses de la vie. De l'autre, il a passé le plus clair de sa jeune vie à étudier dans les trois meilleures universités «Ivy League» américaines, Princeton, Columbia et Harvard. II était érudit et fin et, détail important, avait choisi d'étudier des sujets lourds et complexes peu appréciés par ses camarades du même âge, comme les langues anciennes.
Sa vie a été tout sauf un long fleuve tranquille. Les horreurs d'un exil interminable, ballotté d'un pays à l'autre, la mort de son père et la perte d'un protecteur comme M. Sadate l'ont naturellement marqué à vie et l'ont rendu encore plus mélancolique et sensible qu'avant.
Mais le coup de grâce a sans aucun doute été la mort de sa jeune sœur, Leila, dont il était particulièrement proche. Ce n'est pas juste une sœur mais une âme sœur qu'il a perdue! Tout a basculé dans son monde depuis. II a sombré un peu plus chaque jour dans une dépression sans retour.
II continuait à essayer de faire rire son entourage et d'avoir un semblant de vie sociale mais ça semblait quelque peu forcé, du moins pour ceux qui le connaissaient de très près.
Nous avions tous espoir que le «vrai » Ali Reza referait surface, mais en vain. Chaque fois que je l'ai vu depuis ce jour fatidique, j'ai remarqué en le regardant droit dans les yeux qu'Ali Reza n'était plus là. Je l'ai ressenti au plus profond de moi le jour de mon mariage, début 2004. La Princesse Leila, décédée depuis quelques années, me manquait terriblement ce jour-là et je cherchais Ali Reza des yeux, comme un réconfort. Ses yeux étaient vides. On l'a vraiment perdu en juin 2001. Ces dix dernières années n'ont été qu'une longue attente.»