Tout cela s'était greffé sur une nature secrète, moins expansive que celle de son frère aîné. Depuis toujours, Ali Reza était le solitaire de la famille impériale. Jamais il ne donnait d'interviews ni n'apparaissait en public, à l'exception de quelques cérémonies royales auxquelles il accompagnait sa mère ou son frère aîné. Il avait choisi la retraite, l'étude. Une forme de protection qui l'a peut-être conduit à se couper du monde et des autres, au point de se retrouver seul face à son désespoir, un jour de janvier 2011.
Aujourd'hui, ce sont ses proches qui sont confrontés à ce désespoir, sa mère surtout, dont rien ne peut atténuer la douleur et peut-être la révolte. Pourquoi doit-elle vivre une seconde fois cet arrachement qu'est la mort d'un enfant? Pour quelle raison le destin si brillant de la petite étudiante iranienne de l'école d'architecture de Paris, qui avait épousé en 1959 l'un des souverains les plus puissants du monde, se fracasse-t-il une nouvelle fois ? Il n'y a pas de réponse. Pas de mot. Pas de sens à tout cela.
L'espoir? Il a le visage de ses trois petites-filles, Noor, Iman et Farah, âgées de 19, 18 et 7 ans et dont la vie commence à peine.
Le devoir? Continuer pour les deux enfants qui lui restent : Reza et sa sœur Farahnaz, les deux aînés qui ont su résister à ce destin, sans doute parce qu'ils étaient plus âgés qu'Ali Reza et Leila lorsque leur monde s'est effondré.
Un an après la mort de sa fille, la Shahbanou avait confié qu'elle avait eu, elle aussi, la tentation d'en finir, plusieurs fois : «Mais, tout au long de ma vie, le sentiment de ma dignité m'a sauvée. Dans les pires moments, je me disais : On peut tout perdre, chacun d'entre nous à son niveau, mais il faut essayer de conserver sa dignité et son courage. C'est la vraie lutte de la vie. »
Dans ces moments-là, il n'y a plus d'Impératrice, plus de Majesté, il y a une femme tout simplement, une mère écrasée par ce destin autrefois plus brillant que n'importe quel autre et aujourd'hui plus dur encore que ce que l'on imaginait. Une femme qui tente de résister. Et nous voulons lui dire ce que des dizaines de milliers d'anonymes ont déjà déclaré en cliquant 170 000 fois en une journée sur la page annonçant la disparition d'Ali Reza, sur le site de la famille impériale d'Iran : «Courage, nous vous aimons!»